Morts Covid en Migration (MoCoMi)
Le projet MoCoMi propose d’analyser les manières de gérer les morts du COVID en migration en France, les représentations associées, et les agencements des pratiques funéraires culturelles et cultuelles bousculées par l’urgence médicale et la politique sanitaire. Les personnes migrantes ont été touchées par une mortalité brutale et exceptionnelle, et d’autant plus dans certains espaces comme l’Est. L’hétérogénéité de cette population amène ainsi à interroger ce qu’est la « bonne mort », pour l’individu et le groupe concerné. De la même manière, les représentations des corps en migration sont aussi renouvelées. En effet, cette mort-là n’est pas propre au fait de migrer, pourtant marqué par ses nombreux décès quotidiens. Bien qu’inédite, la manière dont les individus migrants sont atteints reste, au moins en partie, singulière par leur expérience migratoire. En articulant sociologie, anthropologie et psychologie, des enquêtes seront réalisées auprès d’eux, pour recueillir leurs vécus, sur les frontières anglaises, allemandes et italiennes, mais aussi en Seine-Saint-Denis.

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Crédit photo : Anastasia Chauchard
Des voix strasbourgeoises pour MoCoMi, mars 2022
Crédit photo : Anastasia Chauchard
Journée de terrain au cimetière musulman de Bobigny, 31 mai 2021
Historiquement, c’est à Bobigny que se trouve le seul cimetière musulman de France. Il a été créé en 1937, quelques années après l’ouverture de l’hôpital franco-musulman Avicenne avec qui il partage une histoire coloniale commune. Il appartient toujours à l’AP-HP mais est géré, depuis 1996, par l’intercommunalité. Il a ainsi pris le statut de « carré musulman » du cimetière intercommunal d’Aubervilliers, Bobigny, Drancy et La Courneuve. Ce qui fait du cimetière municipal musulman de Strasbourg, l’unique cimetière et non carré musulman, depuis son ouverture en 2012 permise par le droit local qui s’applique en Alsace-Moselle.
Sauf exception, il faut avoir un parent enterré dans le cimetière pour y être aussi. Il renferme à lui seul toute une part de l’histoire de l’immigration et de son ancrage dans le territoire, de son rôle dans la construction de la société française. Il montre aussi toute la diversité du monde musulman et les formes de syncrétisme produites par le temps qui passe et l’interculturalité qui en résulte.
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Nada Afiouni et Linda Haapajärvi s’y sont rendues pour tenter de saisir les enjeux qu’il représente pour les différentes générations issues de l’immigration dans le cadre de la pandémie de covid-19 qui héritent trop souvent, malgré le temps, de l’altérité que leur renvoie leur pays d’origine, la France.
Ces observations ont donné lieu à une rencontre très riche et qui confirme l’importance de ce lieu pour les vivants.

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Crédit photo : Anastasia Chauchard
Journée de terrain par Linda Haapajärvi et Anastasia Chauchard à l’église Saint-Yves de La Courneuve, 17 juin 2021
Crédit photo : Jean-Luc Nail
Journée de terrain de Nada Afiouni dans les carrés musulmans des cimetières havrais Sainte-Marie et paysager de Bléville, janvier 2021
Au sein de ces carrés confessionnels, on peut observer, comme dans le cimetière musulman de Bobigny, la pluralité du monde musulman selon les générations, et les appartenances culturelles et aux différentes branches de l’islam.
Sur certaines photographies, on peut voir les croix chrétiennes qui semblent s’imposer face aux tombes musulmanes en les masquant presque. Cette image semble alors paradoxale. En effet, comme tient à le souligner Nada Afiouni, une des raisons pour lesquelles les musulmans de France ont de grandes difficultés à trouver des lieux d’inhumation respectueux de leurs appartenances culturelles et cultuelles est liée au principe de laïcité à la française qui préside le mode gestion municipal des cimetières en France. Or, ce même principe est perçu comme une condition à celui d’universalisme républicain qui est ainsi remis en cause, tout comme notre modèle de laïcité.
La différence de traitement des musulmans dans la mort par la République interroge alors ce que l’on nomme leur « intégration ». Notion qui, en théorie, selon la définition donnée par le Haut Conseil à l’Intégration, a pour objectif de considérer les différences de tout un chacun dans le but de les inclure dans « un projet commun » qui invoque, de fait, la participation active de la République (sur l’intégration, voir Anne Chemin dans Le Monde).
Ces enjeux d’égalité dans la mort sont d’autant plus criants quand l’exposition à celle-ci est déjà inégalitaire, d’autant plus dans une période de pandémie qui agit alors comme un catalyseur.

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Photographies prises et recueillies par Victoria Brotto et Salomé Labé, dans le cadre du terrain encadré par Anaïk Pian au sein de la région strasbourgeoise
Première partie de la galerie (recueillie par Victoria Brotto) : Madame et Monsieur Kail*, leurs deux fils et leur fille ont fuit la Syrie pour le Liban où ils sont restés trois ans en attendant leur réinstallation en France en 2015. Issus d’une classe aisée, ils vivent, depuis leur départ, un déclassement social et une forte instabilité socio-professionnelles accentuée par la pandémie.
A la différence d’autres familles, via le programme de réinstallation, ils ont pu obtenir un logement social, un appartement HLM dans le village de Weiler.
Lors du premier confinement, la télévision a été particulièrement regardée par les parents afin de progresser dans leur apprentissage de la langue française. En effet, ils ont dû arrêter le cours qu’ils suivaient au sein d’une association.
Photo 1 : Monsieur et Madame Kail au Liban.
Photo 2 : Madame Kail et ses deux fils au Liban.
Photo 3 : Une partie de la famille à l’aéroport Charles de Gaulle, à Paris, lors de leur arrivée en France.
Photo 4 : La chambre des deux fils aînés.
Photos 5 et 6 : Salon de l’appartement.
Photo 7 : La cuisine.
Seconde partie de la galerie (Crédit photo : Salomé Labé): Yasir* a 36 ans et a obtenu le statut de réfugié. Il vit à Strasbourg dans un studio trouvé avec l’aide de l’association l’Etage. Il est arrivé en France en 2018 et fait des études d’odontologie.
Passer par l’image est parfois très parlant pour saisir l’environnement des personnes concernées : ce qui est important pour elles, comment se perçoivent-elles et veulent-elles qu’on les perçoive, etc. Dans le cadre du confinement, c’est donc un outil majeur.
Photo 8 (bonus) : L’église du Temple-Neuf de Strasbourg photographiée par Hala Trefi qui a participé au terrain en tant qu’interprète arabophone.
*Les nom et prénom ont été modifiés.
Pour en savoir plus sur l’usage de la photographie en Sciences sociales :
CONORD Sylvaine, « Le choix de l’image en anthropologie : qu’est-ce qu’une « bonne » photographie ? », ethnographiques.org, n° 2, 2002 ;
RIOM Loïc, MEYER Michaël, HUMMEL Cornelia, « Une “éthique visuelle” pour les
usages de l’image dans l’enquête en sciences sociales », in Burton-Jeangros Claudine, L’éthique (en) pratique : la recherche en sciences sociales, Genève : Sociograph -
Sociological Research Studies, Université de Genève, 2017, p. 51 – 70 ;

