Morts Covid en Migration (MoCoMi) est également un podcast, réalisé par Anastasia Chauchard, étudiante du Master Migrations (EHESS, Paris 1, ICM), au cours duquel différentes actrices et acteurs du projet prennent la parole pour partager leur démarche, leur approche du terrain et leur regard sur ses trois thématiques et leurs liens complexes. Trois thèmes qui constituent ensemble un sujet dans lequel les représentations collectives et individuelles sur la mort et les migrations sont bousculées par la pandémie, tout comme les pratiques ; celles du deuil ou encore de la gestion des corps parmi d’autres. Bien que la mort covid semble dotée d’un caractère universel, ces représentations et pratiques restent toutefois agencées par l’altérité associée à la dimension migratoire de manière plus ou moins contrainte. Ce qui met alors en lumière les inégalités profondes d’une société divisée par des frontières immatérielles mais qui n’en sont pas moins performatives, et cela au détriment des personnes les plus exposées au virus dont de nombreuses en situation de migration.
Découvrez ci-dessous la description des sept épisodes et utilisez le lecteur à droite pour les écouter.
Dans ce second épisode du podcast MoCoMi, Anaïk Pian et deux étudiantes, Victoria Brotto et Salomé Labé, nous partagent leurs premières observations et constations réalisées dans la régions Grand-Est, un des terrains de l’enquête. Ensemble, elles ont effectué plusieurs entretiens, en français ou en arabe interprétés par Hala Ghannam Trefi, avec des personnes syriennes réfugiées, arrivées entre 2015 et 2020 sur le territoire français par divers biais : programme de réinstallation européen, demande d’asile individuelle, couloirs humanitaires. L’objectif est de recueillir leurs différentes expériences de la crise sanitaire. La majorité des individus rencontrés sont des hommes diplômés, parfois jusqu’au doctorat.
Ici, la mort covid est justement essentiellement présente par sa mise à distance. Plus que la mort elle-même, conséquence directe de la pandémie, ce sont les impacts plus ou moins indirects qu’engendre cette menace qui atteignent les individus rencontrés. Ce qui rend alors leur situation, souvent déjà compliquée avant la crise, encore plus difficile.
Il semble difficilement possible de se soucier d’une éventuelle mort covid propre quand la gestion du quotidien qui construit notre futur est une lutte. La crainte de la mort covid est davantage projetée sur les proches absents.
Dans ce nouvel épisode du podcast MoCoMi, la civilisationniste Nada Afiouni revient sur les modes de gestion des cimetières au travers d’une approche comparative entre la France et l’Angleterre. La question des inégalités de traitement dans le domaine du funéraire n’est pas nouvelle mais peu visible sur la scène médiatique. Or, elle touche de nombreuses personnes migrantes, descendantes d’une immigration précédente, et/ou de cultures minoritaires, notamment celles qui sont de culture ou de religion musulmane dont une importante part opte encore pour le rapatriement des corps. Option rendue impossible par la crise sanitaire et qui a forcé ces personnes à trouver des solutions sur place pour inhumer leurs défunts. Par conséquent, le manque criant de carrés confessionnels a été d’autant plus flagrant.
La pandémie de Covid-19 invite ainsi à interroger la gestion municipale des cimetières qui est régie par l’idéal universaliste pour lequel la conception française de la laïcité est une condition préalable. Deux principes qui, dans le cadre républicain français, excluent plus qu’ils ne rendent égaux.
Dans ce quatrième épisode du podcast MoCoMi, la sociologue Linda Haapajärvi s’intéresse surtout au corps du migrant défunt et plus particulièrement à la question de ce que l’on appelle « le rapatriement ». Ce qui, comme le souligne Nada Afiouni, est problématique car cela implique l’idée d’un attachement plus fort au pays d’origine et d’une intégration qui serait inachevée dans la terre d’accueil.
Or, au sein de cette pratique se croisent de multiples enjeux d’appartenances mais aussi financiers. Cela résulte donc de choix individuels réfléchis visant à prévoir sa « bonne mort » pour soi-même mais aussi pour ses proches.
La pandémie, venant bousculer cette pratique et le système d’assurance rapatriement associé qui se développe ses dernières années, vient-elle produire de nouvelles considérations de ce qu’est une « bonne mort » parmi les individus en migration ?
Dans ce cinquième épisode, l’historien moderniste Mathieu Grenet évoque la place donnée à sa discipline dans la médiatisation de la pandémie de Covid-19 à ses débuts. Il tient à souligner que la parole historienne ne correspond pas toujours aux attentes sociétales. L’historien ne peut pas résoudre les problèmes présents en cherchant des réponses dans le passé, mais il peut en prendre acte pour identifier les ruptures, continuités et réactivations.
L’évidence du rôle des mobilités dans le fonctionnement de notre monde s’est présentée à tous. A la différence de certaines idées reçues, les migrants désignés comme tels dans l’espace public – soit les migrants économiques, réfugiés et demandeurs d’asile mais aussi les « seconde et troisième générations » – affichent un risque de propagation du virus moindre, au contraire des migrants privilégiés et des mobilités quotidiennes. Cette dynamique réactive le stéréotype pathogène assigné à la figure de l’étranger.
Dans cet avant-dernier épisode, le chercheur spécialiste des migrations internationales Antoine Pécoud s’intéresse à la gestion politique des migrations durant la pandémie et à ses conséquences.
La fermeture des frontières et les confinements ont contraint les gouvernements, notamment européens, à garder sur le territoire des personnes en migration « non désirées », dans un premier temps au moins, tout comme elle a accentué les difficultés quotidiennes que subissent les personnes déjà installées. Antoine Pécoud pointe, dans ce cadre, que la santé des plus démunis, dont beaucoup de personnes en migrations ou qui ont des ascendants immigrés, devient un vrai enjeu politique quand celle-ci est une condition à la santé des privilégiés et notamment des décideurs.
Entre retards multiples et mesures partielles temporaires, la crise sanitaire paraît dessiner les contours de l’évolution – à court, moyen et long termes – de la gestion des migrations à l’échelle nationale mais aussi intergouvernementale. Un avenir qui pourrait renforcer les politiques migratoires mortuaires déjà en place et donc augmenter le nombre de morts par migration.
Pour ce dernier épisode du podcast MoCoMi, l’anthropologue et psychologue clinicienne auprès d’exilés, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, aborde la question de la santé mentale des personnes en situation de migration ou qui y sont liées directement ou non. En tant que praticienne, elle fait partie du dispositif « familles endeuillées » mis en place par l’APHP au début de la pandémie.
Comme l’ensemble de la population, certaines ont vécu, ou plutôt n’ont pas pu vivre leur(s) deuil(s) en raison des restrictions imposées au secteur funéraire à cause de la pandémie. Or, les personnes en migrations ont des problématiques qui peuvent leur être propres. Outre la question imposée du lieu d’inhumation, notamment pour les personnes de religion ou de culture, se pose celle de la manière dont on peut faire son deuil quand le défunt se trouve dans un pays autre que celui où l’on réside.
Par ailleurs, l’enquête MoCoMi vise à produire des recommandations notamment en matière de psychotraumatisme, la mort covid et les périodes confinements pouvant réactiver des traumatismes ou en provoquer chez certaines personnes migrantes. Dans la perspective de la dernière Journée Migrant de l’hôpital Avicenne, il s’agit de prendre en compte, sans essentialiser, la prégnance du parcours migratoire sur l’état mental des personnes ainsi que l’influence ou non de leur référentiel de pensée culturel et/ou religieux. Et cela afin d’éviter le risque d’un cadre soin qui serait européo-centré et, de fait, déconnecté de la réalité du patient.







Podcast MoCoMi
Réalisation : Anastasia Chauchard
Musiques fournies par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et éditées par Bernard Surugue (Iran, Baxtyâri nomades de la montagne ; Alep Syrie – Improvisations au luth) pour la collection « Tradition orale » sous le label © Production ORSTOM – SELAF (Société d’Etude Linguistiques et Anthropologique de France). Et Arabian Bazaar de Twin Musicom fait l’objet d’une licence Creative Commons Attribution 4.0. (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/Artiste : http://www.twinmusicom.org/).