De facto n°16 | Février 2020

16 | Février 2020 

Les villes accueillantes 

« La cité commence par un asile » écri­vait l’historien Jules Michelet en 1831 alors qu’il faisait le récit de la fonda­tion de Rome. Les étran­gers et autres « hors-la-loi » qui trou­vèrent là un asile formèrent le peuple de la première « ville-monde » (Urbs et Orbis). Cette histoire de fonda­tion de ville s’est répété autant de fois qu’il y eut de migra­tions dans l’histoire de l’humanité, et qu’il fallut trouver un abri, refonder des lieux et des commu­nautés. La « ville accueillante » met en œuvre cette rela­tion consub­stan­tielle entre les mobi­lités et les villes. C’est encore le cas à Zamosc en Pologne à la fin du XVIe siècle, quand une cité nouvelle naît et se déve­loppe grâce à l’accueil des juifs et protes­tants, parias des autres régions euro­péennes en ce temps de sanglants conflits religieux.

Puis, à la fin du XXe siècle l’idée revient et c’est bien plus qu’une affaire de migra­tion : « Il ne s’agit plus simple­ment de nouveaux prédi­cats pour enri­chir le vieux sujet nommé ‘ville’. Non, nous rêvons d’un autre concept, d’un autre droit, d’une autre poli­tique de la ville » écri­vait Jacques Derrida en 1996 à propos des villes refuges. Et au XXIe, plusieurs villes dans le monde se relient pour s’entraider dans la réali­sa­tion de cet idéal d’accueil qui va, et pas par hasard, avec ceux de « vivre ensemble », « ville inclu­sive » ou « inter­cul­tu­relle ». La ville dans sa maté­ria­lité, tout comme l’organisation des maisons, se trans­forment et s’agrandissent en se faisant accueillantes et hospitalières.