32 | Mars 2022
Et si la France se retirait des conventions internationales ?
Ce nouveau numéro de De Facto propose de prendre au mot — en discutant les postulats sous-jacents — la proposition que formulent certain·es candidat·es à l’élection présidentielle française, de « sortir » des conventions internationales qui contraignent la France, particulièrement en matière migratoire. Ce numéro est donc l’occasion d’évaluer si un tel retrait est envisageable et souhaitable car dénoncer la « toute puissance » des conventions internationales et du droit européen, c’est ignorer ce qu’est le droit, au-delà de la règle écrite.
Il s’agit donc de prendre au sérieux le scénario d’un retrait de la France des principales conventions qui traitent, directement ou indirectement, des migrations. Le retrait est-il juridiquement possible, et sous quelles conditions ? S’il est juridiquement possible de délier la France de certaines de ses obligations internationales, il faut se demander au nom de quoi celles et ceux qui prétendent vouloir la délier le font ? S’agit-il d’une dénonciation de la primauté du droit international et européen qui devrait céder devant la souveraineté des États ? Dans ce cas, ne peut-on pas considérer que s’engager au travers d’une convention internationale consiste à exercer la souveraineté de l’État ? Suppose-t-on implicitement que le droit international et européen contreviendraient à l’idéal démocratique ? Et que pourrait bien signifier « se retirer des conventions internationales et européennes » ? Se retirer de tout ? N’est-ce pas alors surestimer le pouvoir contraignant des conventions internationales et du droit européen et négliger les marges d’interprétation que les textes laissent à la multiplicité des acteurs qui, à tous les échelons, interprètent le texte ?
Il importe donc de revenir à une question première, trop souvent ignorée dans l’emballement des polémiques : pourquoi avons-nous (les personnes mais aussi les États) besoin des conventions internationales ? Pour quoi et pour qui sont-elles adoptées ? Les conventions internationales n’expriment-elles pas la dimension mondiale de notre planète et la nécessité d’organiser les relations qui s’y déploient ? Il y a un besoin vital pour tous·tes que le droit, qui confère des droits, existe et « fonctionne » à cette échelle-là. Le droit international permet en effet de prendre en compte les personnes dont l’accès aux droits n’est pas – ou seulement incomplètement – réalisé dans le cadre national et qui peuvent obtenir des protections et des droits dans le cadre international (ou européen). La récente guerre déclarée en Ukraine met au jour l’urgence de prendre en compte la planète dans sa dimension mondiale et invite à réfléchir à nos humanités par-delà nos frontières et nos nations[1]C’est tout l’objectif du rapport, Migrations. Pour la protection des droits fondamentaux, récemment paru (2021). L’objectif du rapport, coordonné par cinq grandes associations œuvrant à côté des personnes migrantes, est d’alerter les groupes parlementaires afin que soient respectés et garantis les droits … Lire la suite. Parce qu’elle souligne le non-sens de nombreux emballements polémiques à l’égard des migrations, elle pointe l’absurdité et l’ignominie des discours et des positions qui hiérarchisent les vies humaines.
Émeline Zougbédé, Ségolène Barbou des Places et Michel Agier,
coordinateurs scientifiques
Notes[+]
↑1 | C’est tout l’objectif du rapport, Migrations. Pour la protection des droits fondamentaux, récemment paru (2021). L’objectif du rapport, coordonné par cinq grandes associations œuvrant à côté des personnes migrantes, est d’alerter les groupes parlementaires afin que soient respectés et garantis les droits fondamentaux des personnes exilées. Le rapport et sa synthèse sont disponibles en ligne : www.projet-cafi.com. |
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