Réfugiés : du Niger à la Dordogne
La migration de refuge de par le monde offre un tableau complexe. On cite souvent les chiffres du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) : sur les 70,8 millions de personnes déplacées contre leur gré par les guerres, les conflits ou les menaces de persécution, 41,3 restent dans leur pays (« déplacés internes ») ; 5,5 sont des réfugiés palestiniens reconnus par une agence spéciale et 3,5 sont des « demandeurs d’asile » en attente de décision. Restent 20,4 millions de déplacés externes, enregistrés comme « réfugiés » par le HCR, la plupart dans les pays proches des zones de conflit. Comme l’a rappelé toutefois un rapport récent des ONG allemandes, ces chiffres sont brouillés par le fait qu’une partie des déplacés internes et des réfugiés tentent leur chance en dehors de la filière onusienne, soit à l’initiative d’organismes privés, soit en traversant les déserts et la mer au péril de leur vie.
Les politiques d’asile, en effet, sont si restrictives que, parmi les 20,4 millions de réfugiés, le HCR en est réduit à sélectionner une infime minorité (autour de 100 000 par an) jugés les plus « vulnérables », dans l’espoir que certains pays accepteront de les « réinstaller » chez eux. Les volontaires étaient presque toujours anglo-saxons : États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni… Or cette voie d’accès s’est réduite depuis que Donald Trump a décidé de diviser par trois le nombre de « réinstallés ». L’Europe doit-elle prendre le relais ? Elle ne s’est pas accordée à ce sujet. Mais de nouveaux pays, comme la France, commencent à s’y intéresser.
Les ONG ont beau prendre une part active au processus, elles redoutent que les États ne s’emparent de la procédure de réinstallation pour privilégier leurs propres critères de sélection et externaliser ainsi le traitement de la demande d’asile. Elles pointent un risque majeur : que la réinstallation ne supplante la voie normale de protection, qui est la demande d’asile régie par la Convention de Genève.
Il faut garder ces débats présents à l’esprit pour prendre la mesure du double reportage mené par Catherine Guilyardi pour le compte de De Facto, en amont et en aval de la procédure de réinstallation. Au Niger d’abord, où la France s’accorde avec le HCR pour sélectionner une partie des réfugiés à réinstaller. Dans le département de la Dordogne, ensuite, où les personnes retenues doivent refaire leur vie dans un nouvel environnement. De part et d’autre, les chercheurs affilés à l’IC Migrations sont présents et livrent leur témoignage. Remise en contexte, paroles des acteurs, analyses des chercheurs : c’est tout cela que De Facto s’efforce de réunir une fois de plus dans le présent numéro.
François Héran, directeur de publication