Résumé. Les politiques sociales que l’État déploie dans les quartiers populaires interviennent aujourd’hui autant sur les liens et les sentiments des citoyen·nes précaires que sur leurs situations sociales et économiques. Au lieu d’améliorer leur accès aux droits, elles cherchent à réformer les relations et les émotions qui attachent les résident·es des quartiers prioritaires les un·es aux autres. Dès lors, elles juxtaposent aux définitions juridiques et sociales de la citoyenneté une vision moralisée de ce statut et refaçonnent profondément les modes d’intervention des professionnel·les du travail social, leurs rapports aux publics précaires ainsi que ce que ces publics peuvent espérer de la part de l’État. Tel est le pari servant de point de départ aux recherches rassemblées dans ce dossier thématique qui interroge, sur des terrains situés en France, les tentatives des travailleurs et travailleuses sociales de résoudre des problèmes sociaux par la transformation de la quantité, de la qualité et de la configuration des relations qui attachent les individu·es précaires les un·es aux autres, mais aussi aux agent·es et aux institutions de l’État – autrement dit, de gouverner par les liens.