Non-lieux de l’exil
Co-constructions & frictions – Politique et ordre des langues
11 janvier 2023, 17h-20h, Collège de France, 3 rue d’Ulm, 75005 Paris (salle du rez-de chaussée)
Séance coordonnée et introduite par : Alexandra Galitzine-Loumpet (anthropologue Cessma & Sophiapol, ICM) & Hayatte Lakraâ (DU H2M, Inalco) . Avec :
- Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky(anthropologue, PU Inalco, ICM – programme Liminal & Migralect.org & directrice adjointe de l’ICM)
- Emmanuelle Gallienne(Association Kolone) – Désarmer le français
- Filmon Ghebrezgabher(interprête-médiateur, contributeur à la base de données Migralect.org)
La conférence aura lieu en accès libre- en présentiel de préférence mais avec lien zoom 48 h avant ici : https://nle.hypotheses.org/8325
Argumentaire
Comment analyser les politiques institutionnelles de la “langue de souveraineté” du pays hôte face aux langues des personnes en exil et en migration ? Celle-ci véhicule des catégories politico-administratives et des constructions coloniales et post coloniales de l’étranger – en ce sens elle est un lieu central de la subalternisation et ne cesse de produire des frontières. Elle interroge également la position des acteurs (chercheurs, soutiens, militants) aux langues des “Autres” et des personnes en exil au français “désarmé” dans les situations de violence et de luttes collectives. Peut-on en effet ignorer, éthiquement et épistémologiquement, ce qui échappe lorsque l’on ne parle pas la langue des personnes concernées, les frictions engendrées ? “Comment restituer la gravité d’un « I’m not good » quand celui qui l’exprime n’a pas beaucoup d’adjectifs pour nommer une douleur ? “ interroge également Léo Manac’h (2022). Les dangers sont grands, en effet, de reproduire ce que l’on prétend éviter, une « complicité objective » dans l’ethnocentrisme déjà évoqué par Abdelmalek Sayad (2012). Comment franchir les barrières de la langue, bricoler avec et entre, reconnaître enfin dans les langues – et partant dans les paroles – leurs puissances et résistances ? Cette question s’étend également à la “langue critique” des mondes académiques de plus en plus attaqués par des éléments de langages euphémisants ou violents. L’importance des pluralités de langues et de langages, et partant, des positionnements, apparait ainsi centrale pour déjouer “l’ordre de la langue” (Canut 2022) qui tente d’être imposé.
Cette séance met en discussion les politiques des langues en s’appuyant sur un ouvrage collectif récemment paru Lingua(non)grata, langues, violences et résistances dans les espaces de la migration (Presses de l’Inalco, 2022, en accès libre), en présence de plusieurs contributrices, et en faisant place à différentes expériences d’associations et d’interprètes-médiateurs et de chercheuses et chercheurs.
Présentation des intervenant.e.s (par ordre alphabétique)
Alexandra GALITZINE-LOUMPET, est anthropologue HDR, membre du Cessma (UMR 245), du Sophiapol (U. de Nanterre) et de l’ICM. Elle travaille sur l’expériences, les subjectivités, la culture matérielle de la migration et de l’exil. Parmi ses récentes publications : L’objet de la migration, le sujet dans l’exil (eds avec C. Alexandre Garner), Presses universitaires de Nanterre 2020 et Lingua (non) grata, langues, violences et résistances dans les espaces de la migration (eds avec M.C. Saglio-Yatzimirsky), Presses de l’Inalco, 2022, en accès libre sur open edition.
Emmanuelle GALLIENNE, est directrice de l’association Kolone qui enseigne le français aux étrangers à Paris depuis 2011. Dans une série de chroniques dans la revue Vacarme, entre 2011 et 2018, elle rend compte des subjectivités de personnes exilées et de la façon dont ces vies l’affectent et la changent. Sensible aux imaginaires et au dialogue étrange qui se construit en situation de migration, elle suscite, dans les projets de l’association, des espaces décentrés du français où les langues étrangères se parlent, s’exposent, se traduisent, s’affichent. Direction d’ouvrage collectif : En Français ! Un abécédaire à l’usage du pays nouveau, Kolone éd. 2017.
Filmon GHEBREZGABHER est interprète-médiateur. Ancien étudiant du Diplôme universitaire professionnel Hospitalité, Médiations, Migrations (H2M), il a collaboré au lexique tigrinya (avec Aman Mohamed Saïd et Samson Giorgis) de Migralect.org.
Hayatte LAKRAA a enseigné au Modern Language Centre et a fait partie du Migration Research Group à King’s College Londres avant de rejoindre l’équipe du DU H2M à l’Inalco. Elle a mené des terrains de recherche dans le sud de l’Italie, à la frontière Calais-Douvres et au Home Office. Elle a contribué à Lingua(non)grata, langues, violences et résistances dans les espaces de la migration (Presses de l’Inalco 2022)
Marie-Caroline SAGLIO-YATZIMIRSKY est Professeur des Universités en anthropologie sociale à L’INALCO, Département Asie du Sud, et chercheur statutaire au Centre d’Etudes en Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques (CESSMA, UMR 245, IRD-Paris Diderot-INALCO). Elle est la directrice adjointe de l’Institut Convergences Migrations. Parmi ses dernières publications, l’édition scientifique et plusieurs contributions de Lingua(non)grata, langues, violences et résistances dans les espaces de la migration (Presses de l’Inalco 2022), Violence et récit, dire, traduire, transmettre la violence et l’exil (ed. scientifique, Hermann 2020), ains que Traduire l’exil, Plein Droit mars 2020 (avec A. Galitzine-Loumpet)
Retrouvez les prochaines séances et programme 2022–2023 : https://nle.hypotheses.org/8130