Appel à contributions
Depuis la fin des années 1990, le nombre des étudiants inscrits dans un établissement post- secondaire en dehors de leur pays d’origine a plus que doublé, passant de 2 millions en 1998 à 5,6 millions en 2018 (Campus France, chiffres clés, février 2021). Selon les prévisions de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’effectif des étudiants en mobilité internationale va davantage progresser dans les années à venir, pour atteindre les 9 millions à l’horizon 2027. De par l’ampleur croissante qu’elles ont enregistré au cours de ces deux dernières décennies, les mobilités pour études représentent une composante importante, paradoxalement peu connue des migrations internationales (Piguet et al, 2017 ; Jamid et al, 2020).
Dans ce contexte global de « mondialisation étudiante » (Mazzella, 2009), les étudiants africains, particulièrement ceux issus des pays de l’Afrique subsaharienne, sont parmi les plus mobiles au monde. En 2018, ils représentent un étudiant sur dix à l’échelle du globe, avec un taux de mobilité (4,6%), deux fois plus élevé que la moyenne mondiale (2,4%) (Campus France, chiffres clés, mars 2021) . D’après les données de l’UNESCO, un quart des étudiants africains en mobilité internationale est originaire d’un pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) et si l’on additionne ceux du Nigéria, du Cameroun, du Zimbabwe et du Kenya, ces huit pays représentent la moitié de la mobilité étudiante du continent (Campus France, chiffres clés, mars 2021). L’Union européenne, particulièrement la France, accueille la grande partie de ces étudiants africains à l’étranger, suivie par l’Amérique du Nord et les pays du Moyen-Orient, principalement l’Arabie Saoudite. Toutefois, il faut souligner que de nombreux étudiants africains en mobilité internationale ne quittent pas le continent. C’est le cas d’environ un tiers de la mobilité qui reste concentrée en Afrique subsaharienne, dirigée vers quatre principales régions d’accueil : la première est la pointe méridionale du continent, avec l’Afrique du Sud et la Namibie. À l’Est, le pôle Ouganda-Kenya-Burundi-Rwanda accueille une vingtaine de milliers d’étudiants, tout comme l’Afrique du Nord. Enfin, l’Afrique de l’Ouest – avec le Ghana, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Par ailleurs, si les départs des étudiants africains en dehors du continent ont fait l’objet d’une littérature scientifique importante, rares (Berriane, 2009 ; Mazzella, 2009 ; Sy, 2011 ; Bava, 2011 ; Toure, 2017) et peu connus sont les travaux qui appréhendent les mobilités étudiantes vers et à travers l’Afrique. Cet atelier a donc pour premier objectif de combler ce vide, ou cette méconnaissance, en y invitant particulièrement les chercheur.e.s qui étudient cette forme de flux étudiants. Ainsi, sont vivement attendues des propositions de communications qui analysent les mobilités étudiantes intra-africaines et en direction de l’Afrique, mettant en lumière à la fois les facteurs qui pèsent sur le choix des pays de destination et les trajectoires d’études qui en découlent.
En outre, qu’il soit motivé par des contraintes structurelles ou par des logiques individuelles et collectives, notamment d’ascension ou de reproduction sociale, le départ pour les études à l’étranger peut également représenter un projet migratoire qui vise à ouvrir et à élargir le champ des possibles, personnel et professionnel. En effet, si l’obtention d’un diplôme étranger est souvent conçue comme un vecteur d’une meilleure insertion professionnelle et un tremplin vers une promotion sociale ultérieure, particulièrement après le retour dans le pays d’origine, la mobilité pour études peut parfois s’apparenter à une « voie royale » d’expatriation. Elle peut donc s’inscrire dans un projet qui dépasse les seules raisons universitaires, pour contenir les implications objectives d’une réelle stratégie migratoire durable, associée davantage à un souhait d’émancipation économique et socio-culturelle (Jamid, 2021). C’est au prisme du lien dialectique et complexe entre la mobilité pour études et le projet migratoire durable que cet atelier souhaite réfléchir. Appréhender la mobilité pour études dans sa dimension extra- universitaire représente ainsi le second objectif que vise cet atelier, et l’équation « partir pour étudier, étudier pour partir » cristallise sa problématique et ses complications possibles.
Au regard de ces deux objectifs, cet atelier propose d’appréhender différents aspects des mobilités étudiantes, depuis, vers et à travers le continent africain. Il invite à des communications autour des thématiques suivantes (qui ne sont pas exclusives) :
* Flux et tendances des mobilités étudiantes (intra/extra) africaines au niveau macro ;
* Les trajectoires scolaires et les parcours migratoires des étudiants en mobilité internationale en Afrique
* Politiques migratoires destinées aux étudiants en mobilité internationale en Afrique et de l’Afrique ;
* Marché de l’enseignement supérieur en Afrique
* Les inégalités sociales dans l’accès à la mobilité pour études en Afrique ;
* Les conditions d’études et de séjour à l’étranger.
* Le devenir migratoire des étudiants en mobilité internationale à l’issue de leur formation.
Modalités de soumission
Les communications attendues peuvent relever des différentes disciplines de sciences sociales et les approches interdisciplinaires sont particulièrement bienvenues. Les propositions de communication, de 500 mots maximum, seront envoyées avant le 18 mars 2022 à Hicham Jamid (etudiantsreaf2022@gmail.com). Les propositions devront indiquer le nom, le statut et l’affiliation des auteur⋅e⋅s. Il est attendu que les résumés présentent la question de recherche, le cadre théorique ainsi que la méthodologie ayant servi à la collecte des données empiriques mobilisées. Les versions longues des communications retenues devront être envoyées pour le 03 juin 2022.
Informations pratiques
Les REAF n’ont pas de budget « invitation » pour les ateliers. Ainsi, tout·e participant·e doit assumer le financement de sa participation au REAF 2022.
Références citées
Bava Sophie, (2011), « Les étudiants africains d’Al-Azhar au Caire. Entre mobilité traditionnelle et nouveaux projets migratoires », in Michèle Leclerc-Olive, Grazia Scarfo Ghellab et Anne-Catherine Wagner (dirs.), Les mondes universitaires face au marché : circulation des savoirs et pratiques des acteurs, Paris, Karthala, pp. 107–120.
Berriane Johara, (2009), « Les étudiants subsahariens au Maroc : des migrants parmi d’autres ? », Méditerranée, n° 113, pp.147–150.
Jamid Hicham, (2021), De la mobilité pour études à la migration des hautement qualifiés : parcours migratoires et trajectoires professionnelles de Marocaines et de Marocains diplômé.es en France, Thèse de doctorat en sociologie, Conservatoire national des Arts et Métiers, Cnam-Paris.
Jamid Hicham, Kabbanji Lama, Levatino Antonina, Mary Kévin, (2020), Étudiants étrangers : des migrants comme les autres ?, numéro spécial de la revue Migrations Société, vol. 32, n°180.
Mazzella Sylvie, (dir.), (2009), La mondialisation étudiante : le Maghreb entre Nord et Sud, Paris, Tunis, Karthala.
Piguet Etienne, Gillabert Matthieu, Riaño Yvonne, (2017), Les étudiant·e·s internationaux, numéro spécial de revue, Géo-Regards. Revue neuchâteloise de géographie, n°10, Éditions Alphil-Presses universitaires suisses.
Sy Harouna, (2011), « Marché de l’enseignement supérieur Sud-Sud. Les carabins marocains à l’Université de Dakar », in Michèle Leclerc-Olive, Grazia Scarfo Ghellab et Anne_Catherine Wagner (dirs.), Les mondes universitaires face au marché : circulation des savoirs et pratiques des acteurs, Paris, Karthala, pp. 93–106.
Toure Niando, (2017), Mobilité internationale pour études et mobilité sociale : trajectoires scolaires et socioprofessionnelles des étudiants maliens dans l’enseignement supérieur en France et au Maroc, Thèse de doctorat en sociologie, Université Paris V René Descartes.
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