Présentation
À partir d’une enquête sur le travail migrant réalisée au sein d’un site industriel délocalisé, les usines de l’île Maurice, cet article explore la routine d’un salariat qui échappe à l’institution libérale du marché de l’emploi. En proposant le concept de « travail illibéral », l’article met en évidence deux dimensions de l’emploi des étrangers. Celui-ci constitue tout d’abord une marchandisation empêchée du travail, solution des employeurs locaux face à un salariat local jugé trop désinvolte et trop peu engagé dans les processus de production. Sujette à une série de règles formelles ou informelles imposées par l’État, les employeurs et leurs intermédiaires, la main‑d’œuvre étrangère est en effet contrainte à une disponibilité temporelle constante permettant aux industriels d’adapter les temps de travail aux fluctuations de la demande internationale. Mais le recours à l’emploi des étrangers constitue également une réforme de l’économie morale du monde industriel mauricien, une distribution nouvelle des obligations réciproques entre le « bon travailleur » et le « juste employeur » manifeste notamment lorsqu’émergent les conflits du travail.