Vœux 2021

Vanessa Cola­reta, Table #3, Exodus Series, 2014, 80 x 120 cm, photo­gra­phie. @Vanessa Colareta

Diffi­cile tâche que de présenter nos vœux après une année qui nous aura appris à être prudents et à mesurer nos élans d’op­ti­misme. L’épreuve de la crise sani­taire nous ayant conduit à une forme de repli, nous avons choisi une œuvre d’in­ti­mité et de partage. Il s’agit d’une nature morte photo­gra­phique réalisée par l’ar­tiste péru­vienne Vanessa Cola­reta (Lima, 1978) aujourd’hui installée à Madrid.

Table #3 appar­tient à une série de 2014 inti­tulée Exodus qui traite des projets d’émi­gra­tion des femmes espa­gnoles dans le contexte de la crise écono­mique de 2008. La série est née de l’ex­pé­rience person­nelle de l’ar­tiste en tant qu’im­mi­grante et femme, et de la rencontre entre sa culture et la société d’ac­cueil. L’ex­pé­rience migra­toire a été pour Cola­reta le déclen­cheur d’un vif désir de partage.

Se trouve au cœur du projet la vulné­ra­bi­lité des femmes en migra­tion, souvent bien plus soumises que les hommes à des condi­tions de travail précaire et mal payé. Pour réaliser cette série, l’ar­tiste a inter­rogé des femmes sur leur expé­rience migra­toire avant de réaliser des compo­si­tions qui en symbo­lisent le parcours.Vanessa Cola­reta dit peu de choses de ces images et des histoires qu’elles recèlent. De Table #3, elle nous dit seule­ment qu’elle parle d’une Espa­gnole qui a émigré à Paris, préfé­rant laisser au spec­ta­teur le soin de l’analyser.

C’est à dessein qu’elle a recours à la nature morte. Par ses poten­tia­lités symbo­liques, ce genre issu de la tradi­tion pictu­rale offre un terrain de ques­tion­ne­ments sur les migra­tions contem­po­raines. À partir d’ob­jets du quoti­dien et de la nour­ri­ture, savam­ment composés dans une richesse de formes, de couleurs, de lumières et de textures, la série informe la condi­tion des migrantes et les ques­tions qui l’ac­com­pagnent : l’iden­tité, le dépla­ce­ment, la mondia­li­sa­tion, la consom­ma­tion, la négo­cia­tion avec le quoti­dien… À travers ces objets, ce sont des rela­tions au monde qui s’écrivent tout en souli­gnant des arts de vivre réin­ventés dans de nouveaux espaces sociaux ouverts par la migration.

P.-E. Yavuz