À Calais, “lieu-frontière” (Cuttitta, 2015), l’augmentation du nombre d’exilés a obligé l’hôpital à développer en 2014 son équipe médicale attachée à la permanence d’accès aux soins de santé (PASS), un service qui délivre une médecine hospitalière gratuite pour les patients précaires dépourvus de couverture sociale. Faute de candidatures suffisantes, l’institution a eu recours à des médecins afghans en situation d’exil et qui ont travaillé auprès de soignants français (infirmiers, médecins, psychologues, etc.) Cette expérience a produit des échanges interculturels entre professionnels au sein de la prise en charge des exilés précaires. Les soignants exilés deviennent des passeurs culturels. Ainsi, ils valorisent leur rôle. Pour autant, leur appartenance culturelle qui peut se révéler être un atout et peut aussi se retourner contre eux dans la relation avec les patients exilés précaires. Mais plus qu’un lieu de partage interculturel, la PASS constitue un tremplin pour ces soignants exilés en situation de désaffiliation sociale (Castel, 1995) depuis qu’ils ont emprunté les routes de l’exil comme leurs patients et qui souhaitent reconstruire leur identité professionnelle. Ainsi le premier emploi qu’ils acquièrent dans un hôpital français peut leur permettre d’évoluer de statut en statut pour finalement obtenir leurs équivalences relatives à la spécialité qu’ils exerçaient en Afghanistan, ce qui est le cas pour Dorreh, médecin afghan.
Texte intégral :Tisserand_RFST_2019_Circulations