27 | Juillet 2021
Migrer sans entraves
Il y a quelque chose de paradoxal dans l’expression « migrations privilégiées » là où, dans les discours publics, le fait migratoire est souvent associé au déplacement des personnes exilées en situation irrégulière. Pourtant, certains passages de frontière empruntent des chemins plus aisés et permettent même de consolider une position sociale dominante. Bénéficiaires de contrats d’expatriation, retraité·e·s des pays du Nord en quête d’un cadre de vie agréable ou encore adolescent·e·s ou jeunes adultes en quête de scolarité ou de formation supérieure… sont autant de profils migratoires caractéristiques de ces déplacements internationaux facilités, qui peuvent donner lieu à des installations à long ou moyen terme.
Ce numéro de De facto s’intéresse à ces déplacements privilégiés dont le caractère migratoire est euphémisé par des formules telles que « mobilité », « expatriation » ou encore « tourisme ». Au-delà du sens commun, il s’agit d’analyser ces circulations privilégiées comme des migrations à part entière. Et cela constitue un apport réel, comme l’expose Brenda Le Bigot, la notion de « privilège » permettant, en effet, de pointer les inégalités qui distinguent les expériences migratoires. Dans son analyse des hiérarchies qui structurent certaines démographies migratoires du Golfe, Claire Cosquer montre ainsi comment celles-ci favorisent les migrant·e·s originaires des Nords. Le privilège migratoire ne bénéficie pourtant pas à toutes et tous uniformément : ces « expatriations » demeurent façonnées par d’importantes inégalités de genre, ce que Miyako Hayakawa explore dans une enquête sur les migrantes japonaises en France. Les avantages qui caractérisent les migrations liées à la formation et au diplôme, peuvent se révéler fragiles. Théotime Chabre montre en effet que les étudiant·e·s nigérian·e·s sont contraints à des destinations de second choix pour étudier à l’étranger. Pauline Vallot analyse, quant à elle, le déclassement subi par la majorité des immigré·e·s diplômé·e·s du supérieur à leur arrivée en France. Aux lisières des migrations internationales, Gaël Chareyron, Saskia Cousin et Sébastien Jacquot s’interrogent sur les moyens d’observer et de dénombrer les flux touristiques.
Eren Akin, Théotime Chabre, Claire Cosquer, Saskia Cousin, Vincente Hugoo, Brenda Le Bigot et Pauline Vallot, équipe du projet Migrapriv*.
*Le projet Migrapriv est financé par l’Institut Convergences Migrations dans le cadre du troisième appel à projets. Il donnera lieu à un colloque les 7 et 8 décembre prochains au Campus Condorcet (Aubervilliers).
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