Le travail dans la mondialisation : perspectives du Sud global — Session coordonnée par le département POLICY

Résumé par Emeline Zougbédé, socio-anthropologue

Intro­duc­tion par Antoine Pécoud, anthro­po­logue, (Univer­sité Paris Sorbonne-Nord, IDPS) direc­teur du dépar­te­ment POLICY – ICM

Inter​ve​nant​.es :

  • Hadrien Dubucs, géographe (Sorbonne Univer­sité, Labo­ra­toire Médiations)
  • Delphine Mercier, socio­logue (Maison Fran­çaise d’Oxford, CNRS, LEST)
  • Cécile Vigou­roux, socio­lin­guiste (Simon Fraser Univer­sity, Vancouver, Canada)
  • Discu­tant : Lucas Puygre­nier, docto­rant en science poli­tique (Sciences Po, CERI)

L’étude du travail comme dimen­sion centrale des mobi­lités des Suds vers les Nords a long­temps prévalu. Toute­fois, il s’agit d’une concep­tion occi­den­talo-centrée que cette cinquième session, animée par Lucas Puygre­nier, a cherché à questionner.

La recherche sur les migra­tions de travail dans le Sud global est confrontée, de fait, à certains obstacles épis­té­mo­lo­giques. D’abord, si les recherches conduites sur le terrain des pays du Nord s’intéressent aux effets et dyna­miques migra­toires de travail, les travaux menés dans les Suds en inter­rogent le sens. En effet, comme le précise Hadrien Dubucs, la prise en compte de l’espace et de l’échelle est une donnée impor­tante quant à la compré­hen­sion de ces dyna­miques. Prenant le cas des pays du Golfe, il montre que si la migra­tion de travail est dura­ble­ment enra­cinée, elle n’est pas pour autant liée à des ques­tions d’intégration, de rési­dence ou de citoyen­neté comme ailleurs. Aussi, la migra­tion de travail n’entraîne-t-elle pas partout les mêmes ques­tions de droits et de liberté circu­la­tion ? Ne s’inscrit-elle pas loca­le­ment dans les mêmes dyna­miques de mondialisation ?

« Le travail n’est pas compris de la même façon par tous•tes et partout. Il y a alors une distance entre les catégories de la recherche scientifique et ce que recouvrent les réalités empiriques. »

Ensuite, Cécile Vigou­roux rappelle que la migra­tion est façonnée par des pratiques et des mots dont le sens verna­cu­laire échappe parfois. Le travail n’est pas compris de la même façon par toustes et partout. Il y a alors une distance entre les caté­go­ries de la recherche scien­ti­fique et ce que recouvrent les réalités empi­riques. C’est aussi ce que relève Delphine Mercier poin­tant une diver­sité dans les migra­tions de travail. En prenant le travail en tant qu’activité sala­riée (formelle) comme une valeur centrale, le risque est grand de priver l’analyse de tout ce qui constitue les diffé­rents régimes de mobi­lité de travail, et d’ignorer comment les personnes se posi­tionnent elles-mêmes.

Ce constat invite à renou­veler les posi­tions métho­do­lo­giques. D’abord, il est néces­saire de cesser de regarder le travail (work) comme une acti­vité sociale orga­nisée entiè­re­ment par l’État : la ques­tion de l’informalité y est parti­cu­liè­re­ment impor­tante. Cela oblige alors à consi­dérer les mots du « travail » pour comprendre ce qu’il y a réel­le­ment derrière : est-ce que les notions d’entreprenariat et de préca­rité ont partout la même signi­fi­ca­tion ? Une autre posi­tion consiste à déplacer les points de vue. Comme l’a invité à le faire il y a déjà plus de trente ans Abdel­malek Sayad, la migra­tion – et a fortiori de travail – est à observer dans toute sa complexité. Car elle est autant migra­tion de travail, c’est-à-dire un système écono­mique et poli­tique orchestré par l’État, qu’un dépla­ce­ment dans l’espace qui conduit à exercer toutes sortes d’activités, rangées sous le vocable « travail ». Porter la focale sur d’autres terrains auto­rise ainsi à ques­tionner ce qui paraît un objet d’étude en soi.

Pour voir la session en vidéo :

L’auteure

Emeline Zoug­bédé est socio-anthro­po­logue et coor­di­na­trice scien­ti­fique du dépar­te­ment POLICY de l’Institut Conver­gences Migrations.

Citer cet article

Emeline Zoug­bédé, « Le travail dans la mondia­li­sa­tion : pers­pec­tives du Sud global — Session coor­donnée par le dépar­te­ment POLICY », in : Solène Brun, Audrey Lenoël, Betty Rouland, Marie-Caro­line Saglio-Yatzi­mirsky, Adèle Sutre, Emeline Zoug­bédé et Nina Wöhrel (dir.), Dossier « Confé­rence inter­na­tio­nale Travail en migra­tion /​Migra­tion at work », De facto Actu [En ligne], 2 | Juillet 2023, mis en ligne le 17 juillet 2023. URL : https://www.icmigrations.cnrs.fr/2023/07/05/defacto-actu-002–07/

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