Résumé par Emeline Zougbédé, socio-anthropologue
Introduction par Lamia Missaoui, sociologue (UVSQ, PRINTEMPS), co-directrice du département HEALTH – ICM
Intervenant.es :
- Miriam Castaldo, anthropologue (hôpital public de Rome)
- Inès Malroux, doctorante en sociologie (EHESS)
- Laure Pitti, sociologue (Université Paris 8)
- Discutant : Frédéric Décosse, sociologue (CNRS-LEST, Codetras)
Le prisme de la santé permet de penser les trajectoires et les parcours migratoires, mais aussi les politiques et le traitement de l’immigration[1]Voir par exemple le numéro 31 de la revue de l’Institut Convergences Migrations, De Facto, coordonné par Betty Rouland : « L’aide médicale d’État : la fabrique d’un faux problème », 2022. [En ligne]. Url : https://www.icmigrations.cnrs.fr/wp-content/uploads/2022/07/DF31.pdf.. Toutefois, comme le rappelle Laure Pitti, dans ses travaux sur les ouvriers spécialisés des usines Renault-Billancourt, c’est incidemment que la question de la santé a rencontré celle du travail. En effet, dans le contexte des années 1980–1990, si le champ des études migratoires est avant tout arrimé à la question du travail, très peu de travaux pensent la santé des immigrés au travail ; question pourtant centrale que met en lumière une socio-histoire du travail immigré en France. Des études montrent ainsi que les mécanismes d’assignation des immigrés au travail aux postes les plus pénibles ont des effets directs en termes de santé : en exemple, la lutte des ouvriers des usines Penarroya dans les 1970 analysée par Laure Pitti[2]Pitti Laure, 2009. « Penaroya 1971–1979 : “Notre santé n’est pas à vendre !” », Plein droit, vol. 4, n° 83, pp. 36–40.. Les questions de santé constituent donc un enjeu central quant à l’étude du travail de populations migrantes du fait de leurs conditions de travail et de séjour précaires.
« Il existe une faible prise en compte des conséquences des conditions de travail sur la santé mentale des travailleurs et travailleuses, immigré•es en particulier. »
De grandes enquêtes quantitatives cherchent à rendre compte des effets des conditions du travail sur la santé. Inès Malroux, membre du projet Cotidies[3]Conditions de Travail des Immigrés et Descendants d’Immigrés Et Santé en France, souligne que ces enquêtes permettent certains constats tout en présentant les grands enjeux de connaissance des risques de santé au travail. Un des constats qui s’impose est qu’il existe une faible prise en compte des conséquences des conditions de travail sur la santé mentale des travailleurs et travailleuses, immigré•es en particulier. Dès lors, si la production d’études statistiques permet de dresser un panorama général des risques psychosociaux au travail et d’offrir une première lecture de comment le travail des migrant•es est un facteur de production et de reproduction des inégalités de santé, le recours à des méthodes dites qualitatives permet d’approfondir l’analyse. À partir d’une anthropologie impliquée, c’est en tant que professionnelle de santé que Miriam Castaldo mène des enquêtes de type ethnographique auprès de populations migrantes en Italie. Elle observe qu’il y a de nombreux freins dans l’accès aux soins de santé, particulièrement du fait de situations de séjour irrégulier, auxquelles contribuent des situations d’exploitation au travail, que renforcent des dispositifs de ségrégation spatiale.
Si les questions de santé constituent un champ de recherche ayant une forte assise en sciences sociales, la construction d’un champ de recherche autonome sur la santé des populations migrantes au travail reste à construire. Dans ses travaux, Frédéric Décosse montre à quel point les questions de santé au travail de populations migrantes sont un objet éminemment politique[4]Décosse Frédéric, 2008, « La santé des travailleurs agricoles migrants : un objet politique ? », Études rurales, vol. 2, n° 182 : 103–120..
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Notes[+]
↑1 | Voir par exemple le numéro 31 de la revue de l’Institut Convergences Migrations, De Facto, coordonné par Betty Rouland : « L’aide médicale d’État : la fabrique d’un faux problème », 2022. [En ligne]. Url : https://www.icmigrations.cnrs.fr/wp-content/uploads/2022/07/DF31.pdf. |
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↑2 | Pitti Laure, 2009. « Penaroya 1971–1979 : “Notre santé n’est pas à vendre !” », Plein droit, vol. 4, n° 83, pp. 36–40. |
↑3 | Conditions de Travail des Immigrés et Descendants d’Immigrés Et Santé en France |
↑4 | Décosse Frédéric, 2008, « La santé des travailleurs agricoles migrants : un objet politique ? », Études rurales, vol. 2, n° 182 : 103–120. |
L’auteure
Emeline Zougbédé est socio-anthropologue et coordinatrice scientifique du département POLICY de l’Institut Convergences Migrations.
Citer cet article
Emeline Zougbédé, « Risques de santé pour les migrant•es au travail — Session coordonnée par le département HEALTH », in : Solène Brun, Audrey Lenoël, Betty Rouland, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Adèle Sutre, Emeline Zougbédé et Nina Wöhrel (dir.), Dossier « Conférence internationale Travail en migration /Migration at work », De facto Actu [En ligne], 2 | Juillet 2023, mis en ligne le 17 juillet 2023. URL : https://www.icmigrations.cnrs.fr/2023/07/05/defacto-actu-002–04/
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