Discrimination et « diversité » au travail — Session coordonnée par le département INTEGER

Résumé par Adèle Sutre, géographe

Introduc­tion par Angé­line Escafré-Dublet, poli­tiste (Univer­sité Lyon 2, INED), direc­trice du dépar­te­ment INTEGER – ICM

Inter​ve​nant​.es :

• Laure Bereni, socio­logue (CNRS, CMH – ENS, EHESS)
• Anton Perdoncin, socio­logue (CNRS, CENS)
• Mirna Safi, socio­logue (Sciences Po, CRIS, CREST-LSQ)
• Discu­tant : Fred Salin, docto­rant en socio­logie (EHESS)

À travers les terrains d’étude des intervenant•es, cette session ques­tionne les caté­go­ries à l’œuvre dans le monde du travail pour saisir les discri­mi­na­tions dans toutes leurs dimensions.

Anton Perdoncin, à travers le cas du recru­te­ment de travailleurs maro­cains dans les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais du milieu des années 1950 à la fin des années 1970, analyse la façon dont les pratiques et les repré­sen­ta­tions racia­li­sées circulent et se mettent en place dans un contexte de réces­sion écono­mique. Son travail consiste à attester de discri­mi­na­tions à partir de sources histo­riques pour montrer de manière systé­mique le trai­te­ment inégal mais aussi pour mesurer les écarts de posi­tion dans un système de mise au travail. Il s’agit de décoder les caté­go­ries : comment les insti­tu­tions caté­go­risent ? Dans quelle mesure peut-on rendre compte du carac­tère racial de ces caté­go­ries ? Le recru­te­ment sur des contrats spéci­fiques et le trai­te­ment mettent au jour une gestion diffé­ren­ciée qui s’inscrit dans la suite d’un racisme colonial.

Dans la même pers­pec­tive mais sur un terrain contem­po­rain, Mirna Safi propose de penser les façons de mesurer la discri­mi­na­tion en France, notam­ment à l’embauche. Les études récentes montrent que, si les discri­mi­na­tions tendent à baisser en France, elles restent à un niveau élevé lorsqu’on les compare à d’autres pays euro­péens. Ici aussi, il s’agit d’interroger les caté­go­ries : alors qu’on parle bien souvent de « discri­mi­na­tions des popu­la­tions immi­grées », ce sont géné­ra­le­ment des discri­mi­na­tions ethno-raciales dont il est ques­tion (par exemple sur les prénoms et les noms).

« Les études récentes montrent que, si les discriminations à l’embauche tendent à baisser en France, elles restent à un niveau élevé lorsqu’on les compare à d’autres pays européens. »

Face au constat de l’existence de ces discri­mi­na­tions, les dernières années ont vu se déve­lopper un « mana­ge­ment de la diver­sité » en entre­prise, analysé et décons­truit par Laure Bereni à partir d’un terrain effectué entre 2009 et 2022 à Paris et New York. Ces programmes mana­gé­riaux célèbrent, de manière floue, les béné­fices de la diffé­rence, de l’équité et de l’inclusion et se traduisent la plupart du temps par des campagnes de sensi­bi­li­sa­tion, des recru­te­ments ciblant expli­ci­te­ment des « candi­dats de la diver­sité » ou encore des programmes philan­thro­piques. Laure Bereni s’attache à saisir les liens qui sont faits entre diver­sité et race et à décons­truire les notions de diver­sité et de normes d’égalité. Elle montre, à travers le cas fran­çais, comment la ques­tion ethno-raciale s’efface au profit des ques­tions d’égalité de genre et de handicap.

Lors de la discus­sion, Fred Salin est revenu sur la perti­nence de l’usage des caté­go­ries migra­toires pour appré­hender les ques­tions de discri­mi­na­tion au travail et a souligné l’enjeu que repré­sente l’articulation des diffé­rents statuts migra­toires. Parmi les pistes de réflexion, ont été évoquées les diffé­rences entre travail salarié et non-salarié.

Pour voir la session en vidéo :