Résumé par Betty Rouland, géographe
Introduction par Catherine Gousseff, historienne (EHESS), directrice du département GLOBAL – ICM
Intervenant.es :
- Anne-Sophie Bruno, historienne (Paris 1, CHS)
- Angelos Dalachanis, historien (CNRS, IHMC)
- Francesca Sirna, sociologue (CNRS, Centre Norbert Elias)
Discutant : Philippe Rygiel, historien (ENS Lyon)
À partir de contextes historiques et de terrains d’études variés, cette première session propose trois interventions abordant des enjeux relatifs au « travail en migration » au prisme des inégalités (segmentation, sectorialisation, hiérarchisation, discrimination, etc.).
En premier lieu, Anne-Sophie Bruno présente « les multiples visages du travail immigré en France au XXe siècle ». Elle apporte des éclairages sur la segmentation du marché du travail et le passage des spécialisations professionnelles aux concentrations sectorielles des travailleurs étrangers non qualifiés. A travers l’exemple du bâtiment, ses travaux témoignent de transformations organisationnelles (la rationalisation du travail et l’essor des géants des travaux publics), de la concurrence des emplois fordistes dans des emplois « pénibles » (hiérarchies salariales les plus basses), ainsi que de nouvelles logiques de « débauchage » (encadrement des recrutements par le patronat français). La reconnaissance des trajectoires professionnelles des travailleurs non qualifiés dans des espaces de travail ségrégés demeure un enjeu central qui s’adresse à l’ensemble des travailleurs des métiers manuels.
Angelo Dalachanis aborde, dans un second temps, des questions relatives aux migrations et aux processus de reclassement à travers l’étude de cas des ouvriers et des employés de la Compagnie du Canal de Suez en 1956. Entre le XIXe et le XXe siècle, la Compagnie représente le plus grand employeur privé en Méditerranée. Les caractéristiques communes entre les travailleurs égyptiens et étrangers repose sur le fait qu’ils sont tous migrants (intra/internationaux). Lors de la crise de Suez de 1956 et du processus de naturalisation de la Compagnie, la question du reclassement du personnel et la position des travailleurs égyptiens, qui n’occupaient jusqu’alors aucun poste névralgique, revêt une valeur symbolique. Le reclassement des travailleurs internationaux est intimement lié au contexte (géo)politique de l’époque.
« La reconnaissance des trajectoires professionnelles des travailleurs non qualifiés dans des espaces de travail ségrégés demeure un enjeu central qui s’adresse à l’ensemble des travailleurs des métiers manuels. »
À partir de recherches menées dans les hôpitaux du sud de la France et d’enquêtes qualitatives informelles réalisées auprès d’infirmières à diplôme étranger (IDE), la sociologue Francesca Sirna intervient sur les « parcours d’insertion des professionnels de santé à diplôme étranger dans le secteur hospitalier français : processus de reconnaissance et/ou d’exclusion ». Dans des contextes de « crises » (économique de 2008, « migratoire » de 2015 et pandémique en 2020), le diplôme permet-il la diminution des discriminations et/ou facilite-t-il l’embauche ? Du fait de diplômes et d’expériences professionnelles non reconnues, les infirmières à diplôme étranger vivent un processus de déclassement et un traitement différencié (emplois du temps surchargés, contrats précaires qui ne correspondent pas aux qualifications). Ces situations de déclassement observées s’inscrivent dans des débats plus larges sur le « brain drain » et le « brain waste ».
Malgré la diversité des situations, Philippe Rygiel rappelle enfin que les travailleurs migrants doivent lutter pour trouver une place dans des contextes où les rapports de force restent peu favorables.
Pour voir la session en vidéo :
L’auteure
Betty Rouland est géographe et coordinatrice scientifique du département HEALTH de l’Institut Convergences Migrations.
Citer cet article
Betty Rouland, « Ce que la migration fait au travail : entre acquisition de compétences professionnelles et déqualification — Session coordonnée par le département GLOBAL », in : Solène Brun, Audrey Lenoël, Betty Rouland, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Adèle Sutre, Emeline Zougbédé et Nina Wöhrel (dir.), Dossier « Conférence internationale Travail en migration /Migration at work », De facto Actu [En ligne], 2 | Juillet 2023, mis en ligne le 17 juillet 2023. URL : https://www.icmigrations.cnrs.fr/2023/07/05/defacto-actu-002–02/
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