Présentation
Cet article porte sur le travail des interprètes dans les instances d’instruction des demandes d’asile en France. Il s’inscrit dans un numéro consacré au concept de glottopolitique, et qui réunit plusieurs contributions s’attachant à interroger les actions glottopolitiques à destination des migrants portées par divers acteurs (au sein des institutions, associatifs etc.)
Résumé
Dans les institutions chargées d’examiner les demandes d’asile en France, à savoir l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) et la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile), l’interprétation occupe une place cruciale. Sur le plan interactionnel de la communication entre les demandeurs d’asile et les institutionnels, les interprètes jouent un rôle central de coordination ; sur le plan administratif, leurs interventions sont devenues un enjeu financier et opérationnel majeur.
Si l’OFPRA et la CNDA sont censées jouir d’une certaine autonomie, elles sont les rouages de la procédure d’asile en France. Il peut donc sembler contradictoire de mobiliser, pour appréhender les pratiques d’interprétation qui y ont cours, un concept qui a été forgé pour extraire l’analyse sociolinguistique d’une focale trop statocentrée : la glottopolitique.
Mais l’approche glottopolitique permet d’appréhender l’OFPRA et la CNDA comme des contextes d’interprétation spécifiques. En concentrant l’analyse sur les dynamiques institutionnelles et non sur les normes surplombantes, elle révèle en effet des divergences entre les deux instances dans le cadrage et l’organisation du travail des interprètes.
Dès lors, la perspective glottopolitique interroge en profondeur l’engagement complexe de ces derniers dans l’administration de l’asile, en mettant en regard la neutralité qui est exigée d’eux dans l’interaction et l’ambiguïté de leurs situations institutionnelles.