Mardi 22 Mars 2022 ― Séminaire HEALTH : « Mobilités thérapeutiques : une approche critique autour des notions de « privilège » et « tourisme médical » »

  • INVITES :

VIRGINIE CHASLES (Profes­seure de géogra­phie, Univer­sité Jean Monnet Saint-Étienne, UMR Envi­ron­ne­ment, Ville, Société – 5600 CNRS) & SEBASTIEN FLEURET (Direc­teur de recherche CNRS)

EVA RENAUDEAU, docto­rante EHESS, Fellow de l’ICM

CLELIA GASQUET-BLANCHAR (EHESP, UMR ESO, Fellow de l’ICM), ANNE-CECILE HOYEZ (CNRS UMR ESO, Fellow de l’ICM), PAULA CRISTOFALO(EHESP, UMR ARENES), MAUD GELLY (CRESPPA-CSU CNRS)

MARTON ANGYAN, docto­rant EHESS, CMH, Fellow de l’ICM

Modé­ra­tion : AUDREY BOCHATON, Maître de confé­rences, Univer­sité Paris Nanterre la Défense, Labo­ra­toire LADYSS UMR7533, Fellow de l’ICM.

  • HORAIRES ET LIEU :

10h30 – 13h30 : Salle 3.01, centre des colloques, Campus Condorcet, Auber­vil­liers (Métro : ligne 12, station de métro ‘Front populaire’)

  • PROGRAMME :

Intro­duc­tion

Sarah Boisson, Docto­rante contrac­tuelle au CNRS, ratta­chée à l’Unité de recherches Migra­tions et société de Nice (Urmis), Fellow de l’ICM

Le « tourisme médical », une mobi­lité mal nommée ?

Virginie Chasles (Profes­seure de géogra­phie, Univer­sité Jean Monnet Saint-Étienne,UMR Envi­ron­ne­ment, Ville, Société – 5600 CNRS) & Sébas­tien Fleuret (Direc­teur de recherche CNRS)

Les dernières décen­nies ont été marquées par la mise en visi­bi­lité et l’expansion d’une mobi­lité de santé ancienne, impro­pre­ment appelée « tourisme médical ». Cette expres­sion, bien plus jour­na­lis­tique que scien­ti­fique, se réfère au dépla­ce­ment de personnes allant dans un pays autre que leur pays de rési­dence, dans le but de béné­fi­cier d’un acte médical non dispo­nible ou diffi­ci­le­ment acces­sible dans leur propre pays, soit pour des raisons de légis­la­tion soit pour des raisons rela­tives à l’offre de soins (compé­tences, coût) (Hottois & Missa, 2001). Cette défi­ni­tion révèle d’emblée le carac­tère impropre de l’expression « tourisme médical ». Cette présen­ta­tion vise donc à décons­truire cette expres­sion de « tourisme médical » en montrant d’abord dans quelle mesure la moti­va­tion médi­cale supplante celle touris­tique. En plus d’être mal nommée, cette mobi­lité est par ailleurs souvent présentée de façon très réduc­trice. Il s’agira donc aussi de montrer la diver­sité des flux qui composent ce phéno­mène et aussi la complexité des facteurs d’attractivité des terri­toires rece­vant des « touristes médi­caux », cette attrac­ti­vité ne pouvant être réduite à des facteurs maté­riels (coût, dispo­ni­bi­lité et qualité des soins), les facteurs imma­té­riels étant tout aussi impor­tants (recherche d’anonymat, atta­che­ment au lieu, proxi­mité cultu­relle, plus grande liberté et plus large­ment : bien-être). Une autre simpli­fi­ca­tion à décons­truire est celle rela­tive au profil social et spatial des patients engagés dans le tourisme médical. Si l’image d’un patient du Nord, issu de la classe moyenne et allant se faire soigner dans un pays du Sud, semble prédo­miner, en réalité, on observe une plura­lité de profils sociaux engagés dans cette mobi­lité. Tous ces aspects invitent donc à adopter une vision large du « tourisme de santé ». Enfin, si le « tourisme médical » doit être décons­truit, il importe néan­moins de ne pas complè­te­ment le balayer et de s’interroger sur ses impacts sociaux et spatiaux, en termes d’accès aux soins par exemple pour les popu­la­tions locales (métro­po­li­sa­tion et priva­ti­sa­tion des soins dans les pays d’arrivée, délo­ca­li­sa­tion des soins dans les pays de départ …), et ses enjeux éthiques.

Le gros débat des nanas qui doivent accou­cher c’est que souvent elles veulent rentrer en France » : Quelles trajec­toires péri­na­tales pour les Fran­çaises rési­dant en Roumanie

Eva Renau­deau, docto­rante EHESS, Fellow de l’ICM

Issue d’un travail de thèse en cours sur les trajec­toires théra­peu­tiques des français·e·s rési­dant en Roumanie, cette commu­ni­ca­tion s’intéressera plus parti­cu­liè­re­ment aux trajec­toires péri­na­tales. Qu’est-ce qui amène ces femmes à choisir une struc­ture de santé plutôt qu’une autre et à décider du pays dans lequel accou­cher ? À partir des trajec­toires de plusieurs femmes entre la France et Buca­rest, nous regar­de­rons d’abord ce qui carac­té­rise ces migra­tions puis la manière dont se vit la gros­sesse en contexte de migra­tion. Nous verrons ensuite les savoirs et pratiques mobi­lisés dans la construc­tion du parcours péri­na­tale et dans le choix du pays d’accouchement. Cela permet d’interroger, de manière plus géné­rale, l’expérience de la péri­na­ta­lité dans un contexte de migra­tions consi­déré comme privi­lé­giées (Lund­ström 2014).

A la recherche de la mater­nité idéale. La mobi­lité, sésame de l’accouchement rêvé des élites économiques ?

Clélia Gasquet-Blan­chard (EHESP, UMR ESO, Fellow de l’ICM), Anne-Cécile Hoyez (CNRS UMR ESO, Fellow de l’ICM), Paula Cris­to­falo (EHESP, UMR ARENES), Maud Gelly (CRESPPA-CSU CNRS)

Cette commu­ni­ca­tion porte sur les rapports à l’accouchement au sein d’une mater­nité privée rece­vant des patientes inter­na­tio­nales issues de classes sociales privi­lé­giées (écono­mi­que­ment) (Gelly, Cris­to­falo, Gasquet-Blan­chard, 2021). Cette analyse s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche sur les trajec­toires et rapports sociaux en péri­na­ta­lité (projet TRASOPER, financé par la MSHB/​U. Rennes 2/​EHESP) et s’ouvre à des réflexions sur les mobi­lités, les circu­la­tions et les migra­tions dans le champ de la santé. Alors que nous travail­lions habi­tuel­le­ment auprès de personnes « en migra­tion » pour des raisons écono­miques et/​ou poli­tiques, nous avons été confron­tées à des femmes issues des élites inter­na­tio­nales, plutôt « mobiles » que « migrantes », et peu confron­tées à des contraintes écono­miques (Wagner, 2005). Nous propo­sons une discus­sion portant d’une part sur les registres de mobi­lité, de circu­la­tion et de migra­tion de ces femmes, et d’autre part sur les logiques animant les rapports sociaux observés entre ces femmes et les person­nels soignants autour de la gros­sesse. Ainsi, nous cher­che­rons à montrer comment la gros­sesse et l’accouchement, pour ces femmes et les personnes qui les prennent en soin, reposent sur des agen­ce­ments spatiaux et tempo­rels inédits, aussi bien à l’échelle de leurs espaces de circu­la­tion trans­na­tional qu’à l’échelle de l’établissement qu’elles ont sélec­tionné pour accoucher.

Contourner l’ordre dentaire fran­çais par la voie inter­na­tio­nale : socio­logie des usagers du « tourisme dentaire » hongrois

Marton Angyan, docto­rant EHESS, CMH, Fellow de l’ICM

Cette commu­ni­ca­tion repose sur un travail doctoral portant sur les français·e·s qui se rendent en Hongrie afin de béné­fi­cier de soins dentaires impor­tants et sur les condi­tions de possi­bi­lité de ce phéno­mène, qu’elles soient histo­riques, sociales, écono­miques, juri­diques, corpo­relles, voire morales. En m’appuyant sur les premiers résul­tats d’une enquête par entre­tiens auprès d’une quaran­taine d’usager·e·s, je propose d’interroger au-delà de la seule ques­tion écono­mique, les moti­va­tions et déter­mi­nants au départ de mes interlocuteur·ice·s. Si leurs âges, situa­tions profes­sion­nelles et écono­miques sont variées, je montre que certaines dispo­si­tions sociales sous-tendent ces circu­la­tions à desti­na­tion de la Hongrie et discute l’hypothèse qu’il est possible de recons­truire des « carrières » (Darmon, 2008) de contour­ne­ment de l’ordre dentaire fran­çais par la voie inter­na­tio­nale. La commu­ni­ca­tion entend ainsi nourrir le débat sur les circu­la­tions médi­cales et inter­roger ses dyna­miques au sein de l’Union Euro­péenne, espace traversé par des inéga­lités et des hiérar­chies qui se construisent dans l’articulation entre posi­tion sociale et appar­te­nance natio­nale (Hugrée, Pénissat, Spire, 2017).