PUBLI : Laura Odasso, « Des récits entre droit au séjour et droit à l’incohérence : l’accompagnement juridique dans les associations de défense des droits des étrangers », Corps, vol. 18, n° 1, 2020, p. 67–78

Présen­ta­tion

Depuis 2015, la vision de l’immigration comme une crise sans précé­dent et l’attention déme­surée portée aux « nouvelles » conflic­tua­lités qu’elle met en exergue risquent de faire oublier la réalité ordi­naire de la migra­tion et son histo­ri­cité. Or, les nouveaux venus s’ajoutent – avec des dyna­miques propres à la conjonc­ture histo­rique et socio-poli­tique – aux nombreux migrants en situa­tion de préca­rité et admi­nis­tra­ti­ve­ment absents qui habitent nos villes depuis long­temps. Produits des poli­tiques migra­toires qui, dès les années 90 au moins, tendent à les « illé­ga­liser » (Dauvergne, 2008), ces indi­vidus inter­agissent de temps en temps avec le dispo­sitif d’immigration afin de reprendre en main leurs « carrières de papier » (Spire, 2005 : 34–35). Leurs chan­ge­ments de situa­tion, les dispo­si­tions de la loi d’immigration en muta­tion continue et le modus operandi de leur mise en œuvre selon les terri­toires et les époques peuvent, en effet, leur offrir des oppor­tu­nités pour sortir de l’impasse juri­dico-admi­nis­tra­tive. Pour ces indi­vidus, l’accès à une voie de régu­la­ri­sa­tion implique la construc­tion d’un récit destiné à prouver qu’ils remplissent les condi­tions pour demander le « droit à être là » et à émerger en tant que « personnes » (Dal Lago, 1999). Ce « récit de présence » – comme je le qualifie dans cette contri­bu­tion pour souli­gner sa portée de recon­nais­sance d’une exis­tence peu visible, voire invi­sible, mais parfois bruyante (Laacher, 2009), et d’ouverture du droit au séjour – doit assumer la forme d’une narra­tion de soi non ambiguë et objectivable…

Page de référence