Présentation
Depuis 2015, la vision de l’immigration comme une crise sans précédent et l’attention démesurée portée aux « nouvelles » conflictualités qu’elle met en exergue risquent de faire oublier la réalité ordinaire de la migration et son historicité. Or, les nouveaux venus s’ajoutent – avec des dynamiques propres à la conjoncture historique et socio-politique – aux nombreux migrants en situation de précarité et administrativement absents qui habitent nos villes depuis longtemps. Produits des politiques migratoires qui, dès les années 90 au moins, tendent à les « illégaliser » (Dauvergne, 2008), ces individus interagissent de temps en temps avec le dispositif d’immigration afin de reprendre en main leurs « carrières de papier » (Spire, 2005 : 34–35). Leurs changements de situation, les dispositions de la loi d’immigration en mutation continue et le modus operandi de leur mise en œuvre selon les territoires et les époques peuvent, en effet, leur offrir des opportunités pour sortir de l’impasse juridico-administrative. Pour ces individus, l’accès à une voie de régularisation implique la construction d’un récit destiné à prouver qu’ils remplissent les conditions pour demander le « droit à être là » et à émerger en tant que « personnes » (Dal Lago, 1999). Ce « récit de présence » – comme je le qualifie dans cette contribution pour souligner sa portée de reconnaissance d’une existence peu visible, voire invisible, mais parfois bruyante (Laacher, 2009), et d’ouverture du droit au séjour – doit assumer la forme d’une narration de soi non ambiguë et objectivable…