PUBLI : Romain Bertrand et Patrick Boucheron (dir.), Faire musée d’une histoire commune. Rapport de préfiguration de la nouvelle exposition permanente du Musée national de l’histoire de l’immigration, Seuil, 2019, 544 p.

  • Direc­tion d’ouvrage

Romain Bertrand, direc­teur de recherche au Centre de recherches inter­na­to­nales (CERI, Sciences Po-CNRS).

Patrick Boucheron, profes­seur au Collège de France.

  • Coor­di­na­teurs

Emma­nuel Blan­chard, Delphine Diaz, Anouche Kunth et Camille Schmoll

« Pour­quoi tant de spécia­listes reconnus ont-ils décidé de nous suivre et de nous faire confiance dès la première réunion de notre comité ? Sans doute parce que chacun a senti que ce musée, qui ne saurait être le musée des autres, mais doit au contraire être le musée d’un “nous” moins étriqué et plus respi­rable, n’est pas non plus un musée comme les autres. Au moment où les débats poli­tiques en France et en Europe sont faussés par des cris­pa­tions idéo­lo­giques qui éloignent sans cesse les discours publics d’une mesure seine et juste de la réalité, c’est sans conteste le musée d’histoire dont nous avons besoin. Et puisqu’on en a besoin, d’influentes forces poli­tiques tente­ront encore de faire en sorte qu’il soit bridé dans ses ambitions.
Nous avons choisi de disposer dans l’espace des récits, pour dire ici, main­te­nant, depuis long­temps, “ça a eu lieu”, “ça a lieu là” – il y a lieu de consi­dérer cette histoire. Nous propo­sons donc ici quelque chose comme une volte-face : par une ruse de l’histoire récente, le Musée national de l’histoire de l’immigration est installé dans le pavillon amiral de l’Exposition colo­niale de 1931. Ce piège à regards, chambre noire de l’histoire colo­niale, doit désor­mais se trans­former en machine à ouvrir les yeux. Le musée doit investir son lieu car il lui faut affronter son histoire. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’imposer à l’histoire des immi­gra­tions une surdé­ter­mi­na­tion colo­niale : cette histoire ne peut être que mondiale par voca­tion et compa­ra­tiste par méthode. Il s’agit de prendre la mesure du buis­son­ne­ment, de la bigar­rure dont nous sommes issus. On doit pouvoir s’y retrouver mais pas pour cultiver le petit lopin tran­quille des identités. »