L’anniversaire des trente ans de la chute du Mur de Berlin offre l’occasion de dresser un inventaire des différents types de murs érigés ou maintenus à nos frontières ou au milieu de territoires contestés. Ces murs divergent de par leurs sophistications, leurs coûts, leurs justifications officielles : lutte contre le terrorisme, contre la contrebande, contre l’immigration dite « illégale » ou pour maintenir une ligne de cessez-le-feu. On compte au total 40000 kilomètres de murs, organisés autour de 71 infrastructures[i]. On pense au mur entre les Etats-Unis et le Mexique bien entendu, mais aussi à ceux en Europe de l’est, au Moyen-Orient, ou aux frontières indiennes, chinoises et coréennes. Vu d’Europe, cet inventaire permet de déplorer la multiplication de ces blindages frontaliers contemporains, jugés archaïques et anormaux dans un monde caractérisé par la mobilité et l’échange. Au-delà de ce poncif, la multiplication de ces obstacles aux mobilités le long des frontières européennes convoque la mémoire du blindage et des drames propres à la Guerre froide et à son Rideau de fer, bien que les obstacles contre les fuites de gens de l’est vers l’ouest du passé s’opposent a priori aux obstacles érigés contre l’entrée de personnes en migration d’aujourd’hui. La RDA avait fait du mur un emblème de sa souveraineté. Sur les ruines du Rideau de fer, le projet européen devait se construire sur la libre circulation. Pourtant, il se construit bien trente ans plus tard sur l’obsession du contrôle des frontières extérieures de l’Union Européenne, et de plus en plus celles intérieures. C’est à ce titre qu’il nous semble opportun de jauger ces trente années. Depuis le Mur de Berlin, tentons de tirer les fils des contradictions propres au projet européen.
Lire la suite sur le site de la revue (accès libre)