Damien Simonneau, « 30 ans après, le Mur d’Europe » dans Politique. Revue belge d’analyse et de débat [en ligne], 6. Nov. 2019

L’anniversaire des trente ans de la chute du Mur de Berlin offre l’occasion de dresser un inven­taire des diffé­rents types de murs érigés ou main­tenus à nos fron­tières ou au milieu de terri­toires contestés. Ces murs divergent de par leurs sophis­ti­ca­tions, leurs coûts, leurs justi­fi­ca­tions offi­cielles : lutte contre le terro­risme, contre la contre­bande, contre l’immigration dite « illé­gale » ou pour main­tenir une ligne de cessez-le-feu. On compte au total 40000 kilo­mètres de murs, orga­nisés autour de 71 infra­struc­tures[i]. On pense au mur entre les Etats-Unis et le Mexique bien entendu, mais aussi à ceux en Europe de l’est, au Moyen-Orient, ou aux fron­tières indiennes, chinoises et coréennes. Vu d’Europe, cet inven­taire permet de déplorer la multi­pli­ca­tion de ces blin­dages fron­ta­liers contem­po­rains, jugés archaïques et anor­maux dans un monde carac­té­risé par la mobi­lité et l’échange. Au-delà de ce poncif, la multi­pli­ca­tion de ces obstacles aux mobi­lités le long des fron­tières euro­péennes convoque la mémoire du blin­dage et des drames propres à la Guerre froide et à son Rideau de fer, bien que les obstacles contre les fuites de gens de l’est vers l’ouest du passé s’opposent a priori aux obstacles érigés contre l’entrée de personnes en migra­tion d’aujourd’hui. La RDA avait fait du mur un emblème de sa souve­rai­neté. Sur les ruines du Rideau de fer, le projet euro­péen devait se construire sur la libre circu­la­tion. Pour­tant, il se construit bien trente ans plus tard sur l’obsession du contrôle des fron­tières exté­rieures de l’Union Euro­péenne, et de plus en plus celles inté­rieures. C’est à ce titre qu’il nous semble opportun de jauger ces trente années. Depuis le Mur de Berlin, tentons de tirer les fils des contra­dic­tions propres au projet européen.

Lire la suite sur le site de la revue (accès libre)