Alors qu’a débuté le débat parlementaire sur l’immigration, un collectif de chercheurs, dans une tribune au « Monde », met en garde le gouvernement sur une réforme visant à réduire l’aide médicale d’État. Elle est tout sauf un luxe pour les migrants.
Le gouvernement prépare une réforme de l’aide médicale d’Etat (AME). Ce dispositif d’accès aux soins destiné aux personnes en séjour irrégulier, sous conditions de ressources (moins de 746 euros par mois) et de résidence en France depuis plus de trois mois, pourrait subir une restriction à l’occasion de l’examen du budget 2020, à l’automne.
Une mission d’évaluation commandée auprès de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF) recommanderait la mise en place d’un ticket modérateur, la réduction du panier de soins pris en charge ou encore le renforcement du contrôle administratif des personnes.
Aucun fondement scientifique
Nous, chercheurs et chercheuses spécialistes des thématiques de santé et de migrations, sommes opposés à ce projet de réforme, qui ne repose sur aucun fondement scientifique.
Rappelons tout d’abord que l’idée selon laquelle l’AME attire un flux important de migrants venant se faire soigner en France ne résiste pas à l’épreuve des faits : toutes les enquêtes disponibles montrent que la santé est un motif de migration très marginal, bien moins fréquent que les autres. C’est après leur arrivée que la plupart des immigrés soignés en France sont tombés malades.
Représentant une part infime des dépenses publiques de santé (0,5 % des dépenses de l’Assurance-maladie), l’AME permet à des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur précarité administrative et sociale de se soigner. La restreindre accentuerait le non-recours aux soins alors que celui-ci est déjà très fréquent chez les populations concernées.
Les signataires : Armelle Andro, sociodémographe, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Elie Azria, épidémiologiste, UMR1153 EPOPé, université de Paris, maternité du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph ; Johann Cailhol, infectiologue, laboratoire éducations et éducations et pratique de santé (LEPS)-Paris-XIII et APHP ; Jean-Baptiste Combes, chercheur en économie de la santé, École des hautes études en santé publique (EHESP) ; Annabel Desgrees Du Lou,
démographe, Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut convergences migrations ; François Héran, démographe, professeur au Collège de France, Institut convergences migrations ; Céline Gabarro, sociologue, Eceve, UMR Inserm 1123 ; Anne Gosselin, docteure en santé publique, Institut convergences migrations, ERES/IPLESP Inserm 1136 ; Anne-Cécile Hoyez, géographe, CNRS, UMR6590 ESO Espaces et sociétés ; Laurence Kotobi, socioanthropologue, université de Bordeaux-Faculté d’anthropologie, BPH U 1219-Inserm, Institut convergences migrations ; Maria Melchior, épidémiologiste, Inserm, Institut convergences migrations ; Valéry Ridde, directeur de recherche, Centre population et développement (EPED)/Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Nicolas Vignier, docteur en médecine, spécialiste en maladies infectieuses et tropicales, GHSIF/ERES, Iplesp, Inserm UMR 1136.