« Restreindre l’accès à l’aide médicale d’État pour les sans-papiers n’aura que des conséquences néfastes en matière économique et sanitaire », tribune des chercheurs du département Santé de l’ICM, Le Monde, 8 oct. 2019

Alors qu’a débuté le débat parlementaire sur l’immigration, un collectif de chercheurs, dans une tribune au « Monde », met en garde le gouvernement sur une réforme visant à réduire l’aide médicale d’État. Elle est tout sauf un luxe pour les migrants.

Le gouver­ne­ment prépare une réforme de l’aide médi­cale d’Etat (AME). Ce dispo­sitif d’accès aux soins destiné aux personnes en séjour irré­gu­lier, sous condi­tions de ressources (moins de 746 euros par mois) et de rési­dence en France depuis plus de trois mois, pour­rait subir une restric­tion à l’occasion de l’examen du budget 2020, à l’automne.

Une mission d’évaluation commandée auprès de l’inspection géné­rale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection géné­rale des finances (IGF) recom­man­de­rait la mise en place d’un ticket modé­ra­teur, la réduc­tion du panier de soins pris en charge ou encore le renfor­ce­ment du contrôle admi­nis­tratif des personnes.

Aucun fondement scientifique

Nous, cher­cheurs et cher­cheuses spécia­listes des théma­tiques de santé et de migra­tions, sommes opposés à ce projet de réforme, qui ne repose sur aucun fonde­ment scientifique.
Rappe­lons tout d’abord que l’idée selon laquelle l’AME attire un flux impor­tant de migrants venant se faire soigner en France ne résiste pas à l’épreuve des faits : toutes les enquêtes dispo­nibles montrent que la santé est un motif de migra­tion très marginal, bien moins fréquent que les autres. C’est après leur arrivée que la plupart des immi­grés soignés en France sont tombés malades.

Repré­sen­tant une part infime des dépenses publiques de santé (0,5 % des dépenses de l’Assurance-maladie), l’AME permet à des personnes parti­cu­liè­re­ment vulné­rables du fait de leur préca­rité admi­nis­tra­tive et sociale de se soigner. La restreindre accen­tue­rait le non-recours aux soins alors que celui-ci est déjà très fréquent chez les popu­la­tions concernées.

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Les signa­taires : Armelle Andro, socio­dé­mo­graphe, univer­sité Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Elie Azria, épidé­mio­lo­giste, UMR1153 EPOPé, univer­sité de Paris, mater­nité du groupe hospi­ta­lier Paris Saint-Joseph ; Johann Cailhol, infec­tio­logue, labo­ra­toire éduca­tions et éduca­tions et pratique de santé (LEPS)-Paris-XIII et APHP ; Jean-Baptiste Combes, cher­cheur en économie de la santé, École des hautes études en santé publique (EHESP) ; Annabel Desgrees Du Lou,
démo­graphe, Institut de recherche pour le déve­lop­pe­ment (IRD), Institut conver­gences migra­tions ; Fran­çois Héran, démo­graphe, profes­seur au Collège de France, Institut conver­gences migra­tions ; Céline Gabarro, socio­logue, Eceve, UMR Inserm 1123 ; Anne Gosselin, docteure en santé publique, Institut conver­gences migra­tions, ERES/​IPLESP Inserm 1136 ; Anne-Cécile Hoyez, géographe, CNRS, UMR6590 ESO Espaces et sociétés ; Laurence Kotobi, socioan­thro­po­logue, univer­sité de Bordeaux-Faculté d’anthropologie, BPH U 1219-Inserm, Institut conver­gences migra­tions ; Maria Melchior, épidé­mio­lo­giste, Inserm, Institut conver­gences migra­tions ; Valéry Ridde, direc­teur de recherche, Centre popu­la­tion et déve­lop­pe­ment (EPED)/Institut de recherche pour le déve­lop­pe­ment (IRD) ; Nicolas Vignier, docteur en méde­cine, spécia­liste en mala­dies infec­tieuses et tropi­cales, GHSIF/​ERES, Iplesp, Inserm UMR 1136.