Michel Agier : « L’hospitalité, culture de la relation et de la circulation », entretien dans L’Humanité, 4 oct. 2019

Le cher­cheur en sciences sociales nous invite à repenser l’hospitalité au prisme de l’anthropologie, de la philo­so­phie et de l’histoire. S’il en souligne les ambi­guïtés, il révèle aussi sa capa­cité à déranger l’imaginaire national pour nous conduire à nous enri­chir d’autres cultures et à « faire monde ». Propos recueillis par Eugénie Barbezat

Qu’est-ce qu’être « étranger » ?

Michel Agier Évidem­ment, on ne naît pas étranger mais on le devient quand on quitte son village, sa région, son pays. Il faut recon­naître que tout étranger qui arrive est d’abord un intrus. Nonobs­tant les prin­cipes d’humanité et d’égalité en droit, il ne faut pas nier cette intru­sion, mais recon­naître que le nouveau venu dérange un ordre établi, qu’il nous oblige à penser son iden­tité, son accueil, sa place… L’hospitalité comme rela­tion sociale a l’avantage de recon­naître l’étranger, de l’accueillir, mais aussi l’inconvénient de le main­tenir dans une rela­tion inégale. C’est une réponse à l’urgence que pour­voir aux besoins de celui qui arrive, qui lui signifie « tu n’es pas mon ennemi », mais ce n’est pas une situa­tion durable. Il y a une tren­taine d’années, l’anthropologue Nina Glick Schiller avait mis l’accent sur l’importance du trans­na­tio­na­lisme, de ce qui est « entre », qui circule. Elle disait : « Le migrant nous démontre que l’on peut vivre dans plus d’une société. » On pour­rait dire aussi « dans plus d’une culture », à moins de consi­dérer, ce qui est mon cas, qu’une culture se forme dans cette multiap­par­te­nance à plusieurs sociétés. Il existe aussi une culture de la rela­tion, de la circulation.

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