« Seule l’amélioration des conditions d’accueil offre l’espoir de diminuer le risque de psychose chez des migrants », tribune de Maria Melchior et Andrea Tortelli dans Le Monde, 9 sept. 2019

Après l’agression de passants à Villeurbanne par un réfugié afghan déséquilibré, Maria Melchior, directrice du département HEALTH et Andrea Tortelli, fellow de l’ICM, rappellent, dans une tribune au « Monde », que le risque de troubles psychiatriques est deux à trois fois plus élevé chez les migrants que dans le reste de la population.

Le 31 août, surve­nait à Villeur­banne (Rhône) une tragique agres­sion de passants par un jeune homme origi­naire d’Afghanistan, protégé par la France au titre de l’asile, au cours de ce qui appa­raît comme une bouffée déli­rante. Comme à chaque évène­ment simi­laire, le débat sur la dange­ro­sité des personnes atteintes de troubles psychia­triques et les moyens de prévenir des drames de ce genre a été relancé. Mais cette fois, du fait de la natio­na­lité et du parcours du suspect, s’y ajoute une contro­verse sur le risque de troubles psychiques chez les personnes migrantes.

Quel est l’état des connais­sances sur les migra­tions et la santé mentale ? Les recherches menées dans diffé­rents pays indiquent sans équi­voque que, par rapport aux « natifs » (c’est-à-dire non-migrants), les personnes migrantes ou appar­te­nant à un groupe ethnique mino­ri­taire (par exemple, les Britan­niques origi­naires des Antilles) ont un surrisque de troubles psychia­triques, notam­ment de psychose, comme le démontre une étude conduite dans six pays d’Europe.

Il n’est pas rare que les troubles psycho­tiques se déve­loppent des années après la migration

Actuel­le­ment, on parle beau­coup des violences subies au cours de parcours migra­toires longs et complexes et des trau­ma­tismes psychiques qui peuvent en découler, mais les études montrent que les condi­tions d’installation et d’intégration dans le pays d’accueil jouent un rôle clé. La personne ayant commis l’agression de Villeur­banne le 31 août est arrivée en France en 2009, avant d’être enre­gis­trée en Italie en 2014, en Alle­magne en 2015, en Norvège en 2016, puis de nouveau en France en 2016, suggé­rant une période d’attente très longue avant l’obtention d’un statut admi­nis­tratif stable. Cette situa­tion est concor­dante avec les recherches qui montrent que des condi­tions de vie défa­vo­rables et instables, ainsi que l’isolement rela­tionnel, contri­buent à des décom­pen­sa­tions psychia­triques. Un autre facteur de risque impor­tant sont les discri­mi­na­tions dont font l’objet les personnes migrantes et leurs descen­dants. Il n’est pas rare que les troubles psycho­tiques se déve­loppent des années après la migration.

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Pour compléter cette lecture, nous vous renvoyons vers notre numéro de De facto inti­tulé « La santé mentale des immigré.e.s se dété­riore après leur arrivée » ( n°8, juin 2019) auquel Maria Melchior et Andrea Tortelli ont contribué.

Voir égale­ment les vidéos de la journée scien­ti­fique de l’ICM, « Santé et immi­gra­tion en France et en Europe” et le compte-rendu publié dans la Lettre d’information.