PUBLI : Gérard Noiriel, Le venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République, La Découverte, 2019, 252 p.

La place qu’occupe Éric Zemmour dans le champ média­tique et dans l’espace public fran­çais suscite l’inquiétude et la conster­na­tion de bon nombre de citoyens. Comment un pamphlé­taire qui alimente constam­ment des polé­miques par ses propos racistes, sexistes, homo­phobes, condamné à plusieurs reprises par la justice, a‑t-il pu acquérir une telle audience ?
Pour comprendre ce phéno­mène, ce livre replace le cas Zemmour dans une pers­pec­tive histo­rique qui prend comme point de départ les années 1880, période où se mettent en place les insti­tu­tions démo­cra­tiques qui nous gouvernent encore aujourd’hui. Ce faisant, il met en regard le parcours d’Éric Zemmour et celui d’Édouard Drumont, le chef de file du camp anti­sé­mite à la fin du xixe siècle. Car les deux hommes ont chacun à leur époque su exploiter un contexte favo­rable à leur combat idéo­lo­gique. Issus des milieux popu­laires et avides de revanche sociale, tous deux ont acquis leur noto­riété pendant des périodes de crise écono­mique et sociale, marquées par un fort désen­chan­te­ment à l’égard du système parlementaire.
Dans ce saisis­sant portrait croisé, Gérard Noiriel analyse les trajec­toires et les écrits de ces deux polé­mistes, en s’intéressant aux cibles qu’ils privi­lé­gient (étran­gers, femmes, intel­lec­tuels de gauche, etc.) et en insis­tant sur les formes diffé­rentes que ces discours ont prises au cours du temps (car la légis­la­tion interdit aujourd’hui de proférer des insultes aussi violentes que celles de Drumont). L’historien met ainsi en lumière une matrice du discours réac­tion­naire, et propose quelques pistes pour alimenter la réflexion de ceux qui cherchent aujourd’hui à combattre effi­ca­ce­ment cette déma­gogie populiste.